Les médias Splann et de Blast ont mené une enquête incroyable qui fait véritablement froid dans le dos. Le reportage vidéo et les nombreux témoignages qu’ils ont reçu confirme un sentiment d’impunité du côté de Nicolas Broutin et de l’entreprise Yara France et de l’autre côté, un sentiment de frustration, de colère et de peur. Voici la version texte, non retouchée, de cette vidéo que je vous recommande vivement de visionner sni le sujet vous intéresse ou vous inquiète aussi. Merci à eux pour ce formidable travail d’investigation !

Quand on pense à Saint-Nazaire, on pourrait s’imaginer ses plages, ses carlets qui bordent le littoral, sa base sous-marine ou son pont à haubans, le plus grand de l’hexagone. Mais Saint-Nazaire et son agglomération, ce sont aussi les Chantiers de l’Atlantique, fleuron industriel du pays d’où sortent d’immenses paquebots, comme l’emblématique Queen Mary II. Ce sont aussi des industries comme la raffinerie de TotalEnergies à Donges ou l’usine d’engrais chimiques Yara à Montoir-de-Bretagne

Des industries qui font la réussite économique de la région, mais sont aussi responsables de catastrophes environnementales et portent atteinte à la santé de leurs salariés et de la population. Des pollutions que les industriels tentent de dissimuler sans que les pouvoirs publics n’agissent à la hauteur de la gravité. 

Voilà ce qui s’est échappé de la raffinerie de Donges le 1er mai. L’incendie s’est déroulé dans le four d’une unité de désulfuration du gasoil à 4h du matin. 

Un risque acceptable + Un risque acceptable + encore un risque acceptable, 
ça finit par ne plus être acceptable pour la population !
Marie-Aline le Cler – Présidente de l’AEDZRP

La seule chose que je crains, c’est qu’un jour on me dise : « Tu as un cancer ! » 
Je ne serais pas étonnée.

Marie, sous-traitante aux chantiers de l’Atlantique

Autre problème, les fumées de l’usine qui dépassent de moitié les émissions autorisées de particules fines. Le site Yara est également champion pour les rejets de phosphore et d’azote qui favorisent la prolifération des algues vertes. 

Ces dernières années, c’est vraiment la barrière humaine qui faisait le boulot !
Philippe Nicolas, salarié et secrétaire CSEC-CGT du groupe Yara

Sur ce site est produit (et stocké) du Nitrate d’Ammonium, un élément chimique utilisé comme composant pour de l’engrais et aujourd’hui au cœur de l’actualité.

Si cette usine explosait, dans 5 km à la ronde, comme le démontrait Paul Poulain, tout serait détruit !
Mathilde et Mélanie, habitantes de Saint-Nazaire

Blast – en partenariat avec le média indépendant Breton Splann – vous révèle les rouages de ce scandale sanitaire et environnemental. Dans un rayon d’une dizaine de kilomètres autour de Saint-Nazaire, 6 sites industriels sont classés Seveso, c’est-à-dire qu’ils produisent ou stockent des substances dangereuses pour l’homme et l’environnement. C’est le cas de Yara, leader mondial des fertilisants synthétiques, qui utilise de grandes quantités de produits toxiques, comme de l’ammoniaque ou du phosphore. 

Problème : souffrant d’un sous-investissement structurel, l’usine en fonctionnement depuis 1972 est aujourd’hui vétuste au point de provoquer à plusieurs reprises des rejets dans l’environnement. 

Depuis le début des années 2000, notre grosse problématique, ce sont les rejets d’égouts – égouts industriels et égouts pluviaux – où là, on ne respectait pas les normes d’azote et de phosphate rejetés.
Philippe Nicolas, salarié et secrétaire CSEC-CGT du groupe Yara

Il y a eu des fuites d’acides sulfuriques sur le site qui n’ont pas été jugulés à temps. Puis le dernier accident en date, c’est une panne d’électricité qui a entraîné un réchauffement du bac d’ammoniaque et on a mis deux heures à retrouver un générateur de secours.
Thierry Noguet, Maire de Montoir-de-Bretagne

La multinationale norvégienne qui a racheté l’usine en 2004 a été sommée par les services de l’État de se mettre aux normes et de respecter la réglementation en matière de sécurité. Accumulant les mises en demeure, la direction a préféré payer des pénalités financières d’un total de 700.000 euros, plutôt que de réaliser les travaux nécessaires à sa mise en conformité, jusqu’à ce qu’un drame survienne.

Le 24 octobre 2023, un employé sous-traitant, âgé de 50 ans, décède sur le site suite à un arrêt cardio-respiratoire. Six jours plus tard, la direction annonce la fermeture de l’unité de production d’engrais pour ne conserver que l’unité de stockage.

La concomitance de ce décès, passait sous silence par Yara, et l’annonce de la fermeture, confirment les soupçons de certains salariés, des associations et la mairie de Montoir-de-Bretagne. Pour eux, la direction de l’entreprise aurait laissé pourrir volontairement la situation pour ne pas avoir à débourser les 35 à 40 millions d’euros nécessaires à sa mise aux normes. 

On aurait pu l’entretenir au fur et à mesure des années. Le problème, c’est qu’on a surtout fait du curatif. « On a mis des pansements sur une jambe de bois », j’ai envie de vous dire. C’est surtout ça qui s’est passé, parce que moins on investissait, tant que ça produisait, ça allait. Ce sont les conditions de travail qui se sont fortement dégradées, parce que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on savait que le site était sur la sellette. Mais quand c’est comme ça, les gens en font toujours plus, dans des conditions toujours plus dégradées. Parce qu’on entretient de moins en moins bien l’usine, l’équipement vieillit et ce qui est dommageable, parce que maintenant on dit « Tout ça pour ça ! ». Tous ces efforts faits depuis une dizaine d’années pour en arriver là, c’est un peu désespérant. Et c’est là où on s’aperçoit qu’on a été menés en bateau.
Philippe Nicolas, salarié et secrétaire CSEC-CGT du groupe Yara

« Là par contre, je les ai traités de voyous », parce qu’à partir du moment où vous avez des contrôles réguliers et que vous ne faites pas le nécessaire pour vous mettre aux normes, payer des astreintes parce qu’il y a une puissance financière telle qu’ils préfèrent payer des astreintes plutôt que de mettre peut-être 100 millions sur la table pour faire le travail dans des normes acceptables par tout le monde. Voilà, ça, moi, je dénoncerais toujours cet état de fait !

Thierry Noguet, Maire de Montoir-de-Bretagne

Plus grave encore, l’entreprise stocke une substance potentiellement mortelle : le Nitrate d’Ammonium. 

L’usine Yara pouvait stocker jusqu’à 112.000 tonnes de Nitrate d’Ammonium, donc c’est 40 fois Beyrouth pour avoir un ordre d’idée.
Mathilde et Mélanie, habitantes de Saint-Nazaire

L’onde de choc a été ressenti à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde.

…et elle est mise en demeure très régulièrement pour non-respect des mesures de sécurité. Si cette usine explosait, dans 5 kilomètres à la ronde, comme le démontrait Paul Poulain tout serait détruit, donc tout, il n’y aurait plus rien ! Et nous là, on se rend compte que nos maisons et l’école de nos enfants sont dans ce rayon et c’est là où avec d’autres parents de l’école, on commence à discuter. On se dit on veut faire quelque chose en fait, on ne peut pas laisser ça arriver. Nous habitants, citoyens, citoyennes, familles en fait avec ou sans enfants, mais dans tous les cas on est aussi concernés finalement, parce qu’on est dans le rayon. Autour de Yara, on est proche de ce site et surtout on est en prise avec la pollution, de l’air, des eaux et… un risque majeur d’explosion qui n’est pas juste une fable, mais une potentialité avérée.

Mathilde et Mélanie, habitantes de Saint-Nazaire

J’ai alerté la DREAL à la plusieurs reprises. Pour eux, le risque d’explosion c’est un risque qui ne mesure même pas dans cette entreprise et je me dis que ce risque-là n’étant pas pris en compte, je trouve un peu léger l’attitude des services de l’État sur ce sujet. Moi je pense qu’il faut qu’on dénonce ça et forcer aussi les industriels qui sont un peu en marge de se mettre aux normes, c’est ce qu’on a essayé de faire avec les associations environnementales par rapport à Yara.  L’emploi, certes, c’est important, mais il ne faut pas qu’il se fasse au détriment de la santé des travailleurs. Tout simplement. Des travailleurs et puis des riverains, parce que les retombées de Yara, les rejets dans l’eau, les rejets dans l’atmosphère, c’est aussi des enfants exposés avec des crises d’asthme, voire plus, donc il faut vraiment être vigilant par rapport à ça.
Thierry Noguet, Maire de Montoir-de-Bretagne

Depuis une dizaine d’années, une poignée de militants associatifs se battent pour faire la lumière sur les causes de ces pollutions industrielles et leur impact sanitaire sur la population. C’est le cas de Marie-Aline et Michel Le Cler qui vivent à quelques centaines de mètres de la raffinerie TotalEnergies à Donges. Ils sont devenus, au fil de leur combat, des références sur la question dans la région et dans les médias.

C’est vrai qu’à Donges, malheureusement, ça a toujours été la ville qui sentait. Mais aujourd’hui, depuis plusieurs mois, on assiste à une multiplication de ces incidents.
Michel le Cler, Président de l’association ADZRP

En 2013, ils demandent à l’État une étude épidémiologique qui permettrait de connaître les pollutions avec lesquelles ils sont en contact et leur impact sur la santé. En vain. Ce n’est qu’après 8 ans de lutte qu’ils obtiendront une étude de zone basée sur des données parcellaires et ne prenant pas en compte certaines pollutions, malgré leurs caractères cancérogènes avérés. 

Dès le départ, quand l’annonce a été faite à l’automne 2021 de cette étude de zone, nos associations tout de suite, on dit, nous, on s’inscrit. On pose notre candidature pour intégrer. Et puis, dès le départ, après avoir été intégrés, nous, on avait comme projet que cette étude de zone ne soit pas une étude au rabais, qu’elle soit vraiment représentative de ce qui se passait sur le territoire.

On a regardé sur les communes, nos communes respectives. On a cherché toutes celles qui y étaient, toutes les entreprises ICPE, classées pour l’environnement, ça veut dire susceptibles d’impacter l’environnement. Donc, on a listé ces entreprises et ensuite on a regardé qu’elles étaient leurs activités, qu’elles étaient les produits qu’elles pouvaient utiliser, donc qu’elles étaient les rejets qu’elles étaient susceptibles d’émettre aussi bien dans l’air, que dans les sols, que dans l’eau et donc, petit à petit, on a constitué cette liste là qu’on a soumise à l’ensemble du comité d’orientation stratégique. 

On a demandé au service de l’État de prendre un arrêté préfectoral pour que ce questionnaire soit une contrainte pour les entreprises, c’est-à-dire que dans le cadre de l’étude de zone, on demandait à ce que l’entreprise soit obligée de retourner le questionnaire. Ça nous semblait vraiment fondamental ! On nous a répondu que « Non, non, non, il n’y aurait pas d’arrêté préfectoral ce n’est pas possible ! » On a bien compris qu’il n’avait pas la volonté de contraindre les industriels à répondre.

À part les gros CVSO pour lesquels il était incontournable d’avoir la donnée, Yara n’a pas répondu, volontairement. Donc on voit bien qu’il y avait quand même pour nous une sérieuse mauvaise volonté de la part des industriels de mettre sur la table leurs données et de le faire de manière transparente. Donc forcément, les données qui ont été collectées, elles étaient incomplètes, elles étaient partielles et ce sont ces données-là qui ont été utilisées pour faire une modélisation de la pollution industrielle sur le territoire. 

On a très vite pointé aussi que pour chaque industrie, à chaque fois qu’on investiguait un petit peu les études environnementales qui étaient faites pour les gros industriels, on nous parlait toujours de « risques acceptables ». On était dans la limite du risque acceptable. Sauf qu’un risque acceptable, plus un risque acceptable, plus encore un risque acceptable, ça finit par ne plus être acceptable pour la population !

Marie-Aline le Cler, Président de l’association ADZRP

Pourtant, vivre et travailler ici, c’est s’exposer à des risques de cancer nettement supérieurs au reste du pays. Les âmes vivant dans la zone ont une probabilité 42% plus élevée que la moyenne nationale de mourir avant 65 ans, selon une étude de l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) des Pays de la Loire. Mais pour l’ancien Sous-Préfet de Saint-Nazaire, Michel Bergue, l’explication est simple : 

Les facteurs de cancer sont la consommation de tabac, la consommation d’alcool. Aujourd’hui, nos connaissances sont insuffisantes pour déterminer avec précision, la part des facteurs environnementaux dans ce qui est constaté.
Michel Bergue, Sous-Préfet de Saint-Nazaire

C’est le DREAL qui pilote. Donc le préfet, il est maître d’œuvre dans cette histoire. Celui qui était à l’origine au moment du démarrage de l’étude de zone, il nous l’a répété, il nous l’a martelé. « C’est moi qui paie, c’est moi qui décide ! » C’était aussi clairement dit que ça. C’était ses propos. À chaque fois que nous avons mené nos propositions et nos demandes, on nous rétorquait : « C’est moi qui paie, c’est moi qui décide ! ». 

Nous, ce que nous souhaitons, c’est d’avoir un dispositif qui va pouvoir réunir tous ceux qui le souhaitent, mais avec la même place dans le dispositif. C’est-à-dire que chaque voix va compter, mais avec le même poids. C’est-à-dire qu’on ne pourra pas avoir quelqu’un qui va dire, « C’est moi qui paie, c’est moi qui décide ! ».

On voit bien que ces industriels ont toujours mis en avant les bénéfices, les profits, plutôt que les investissements. Et donc maintenant, à force d’accumuler tous ces retards, tout le monde en paie le prix, c’est-à-dire que Total, maintenant, depuis quelques temps, n’agit que sur mise en demeure de l’État, comme la fait Yara depuis des années. On attend, on attend et au fur et à mesure, à force de différer, ça claque !

Marie-Aline le Cler, Président de l’association ADZRP

Au-delà de la vétusté des usines, qu’est-ce qui explique que de tels drames sanitaires et humains se produisent ? Et comment expliquer que l’État laisse les directions agir en toute impunité ? 

Il y a eu la grande invention de la sous-traitance dans les années 80, c’est-à-dire qu’on est passé d’un collectif de travail sur la raffinerie de Donges, et ailleurs relativement stables, qualifiés avec des conditions sociales équivalentes, identiques. Et puis, évidemment, pour diminuer les coûts dans les années 80, il y a eu le choix de la sous-traitance. Donc là, il y a plein de métiers du raffinage qui ont été sous-traités, à une multitude d’entreprises. Donc là, on passe d’un collectif de travail unique, finalement, à un collectif de travail qui est complètement atomisé, où en l’espace de 20-30 ans, on va se retrouver aujourd’hui sur le site, on a 25-30 conventions collectives qui se côtoient. Des travailleurs qui sont sur le site depuis longtemps, d’autres qui sont arrivés il y a deux jours et en multitude, avec énormément de précarité, bien sûr, dans les contrats de travail, avec des CDD, des taux d’intérim qui sont très élevés. Donc déjà, voilà, il y a le choix de la sous-traitance qui est faite pour diminuer la masse salariale du site. Et puis forcément, ça, ça va jouer sur les conditions de travail, sur les conditions sociales et puis sur les conditions de sécurité.

Un chiffre : en 2002 nous étions 14.000 sur le site et bien en 2002 il y avait eu 19.000 passages à l’infirmerie donc on voit bien que cette sous-traitance en cascade, non seulement ça entraîne de la précarité à grande échelle, mais aussi une recrudescence du risque et c’est pour ça que la sous-traitance existe, parce que les donneurs d’ordres, que ce soit aux chantiers de l’Atlantique ou dans le BTP, n’ont qu’un objectif : faire de la réduction de coûts et se défoncer sur les entreprises sous-traitantes, donc externaliser le risque.

Il y a aussi une bataille idéologique menée par le patronat qui consiste à opposer les salariés les uns contre les autres, à les atomiser et donc ils ont testé sur le chantier naval, les nouvelles formes de domination sociale et d’externalisation des risques.

André Fadda, ex-délégué CGT aux Chantiers de l’Atlantique

Les logiques de rentabilité qui poussent à la sous-traitance en cascade se sont généralisés bien au-delà de ces secteurs industriels, mais lorsqu’on travaille avec des substances dangereuses, les accidents sont fatals.

Le recours massif à la sous-traitance avec des salariés qui ne vont pas maîtriser la langue française, des salariés qui ne vont pas être formés, des salariés qui ne vont pas être informés de l’organisation du travail de la présence d’autres activités qui sont potentiellement accidentogènes, alors même qu’elles sont en train d’exécuter leur tâche, c’est ça qui va aboutir à des drames, aboutir des catastrophes, aboutir à des accidents du travail.

La sécurité, c’est un poste qui coûte, qui ne rapporte pas, par définition, et donc lorsque vous avez une contrainte économique ou une volonté de maximiser le profit, peu importe comment on voit les choses, l’élément sur lequel vous allez essayer de faire des économies, c’est la sécurité.

 Vous ne pouvez pas faire d’économie sur les fournitures, il faut bien les payer les fournitures, vous allez devoir à minima, quand vous payez votre salarié, il y a des règles, il y a des conditions sur la sécurité, c’est beaucoup plus facile de mégoter et de faire des économies de bout de chandelle et c’est malheureusement souvent lorsque ça n’est pas l’organisme qui est en cause, cette volonté d’économie de bout de chandelle se traduit derrière par des accidents.

Etienne Boittin, Avocat spécialisé en droit du dommage corporel

20.000 : c’est le nombre de salariés étrangers déclarés entre janvier 2016 et juin 2019 sur les chantiers de l’Atlantique, Airbus et Total,selon une étude publiée en 2023. Des travailleurs qui ne restent généralement pas plus de 6 mois en emportant avec eux le secret de leur exposition et de leur état de santé. Ce manque de traçabilité empêche également le recueil de données permettant d’identifier les risques pour les salariés et masque la responsabilité des entreprises.

Quand on a des carrières de collègues qui sont très hachées, qui ont bossaient dans de nombreuses entreprises, qui ne savent même pas à quels produits ils ont été finalement exposés, parce qu’un collègue sous-traitant qui débarque dans une usine chimique pour trois mois ou six mois pour faire des travaux, mais franchement, il n’a aucune idée à quel produit chimique il a été exposé.
David Arnould, Délégué CGT à la raffinerie TotalEnergies de Donges

Aujourd’hui, il y a une invisibilité sur les dégâts causés par les fumées de soudage, parce qu’effectivement il y a beaucoup de salariés qui ont contracté des maladies professionnelles, enfin des vrais cancers : cancer de la vessiepar exemple, des soudeurs qui travaillaient très longtemps sur l’inox ou les cancers des poumons, enfin oui, il y en a énormément, mais ce n’est jamais comptabilisé ça, c’est invisible. La phase cachée de l’hécatombe au travail.
André Fadda, ex-délégué CGT aux Chantiers de l’Atlantique

Moi, ça fait 33 ans que je travaille au chantier avec des produits qui sont dangereux, sans protection, parce qu’à l’époque, on ne nous en donnait pas et on ne nous disait pas non plus que le produit était dangereux. Aujourd’hui, je le sais, mais la seule chose que je peux dire, c’est qu’un jour, on me dit, « Tu as un cancer ! ». Je ne serais pas étonnée. 

Quand on travaille dans les cuisines, on peut très bien travailler à côté d’un soudeur qui lui a son masque, son casque, pour se protéger des fumées de soudure, mais nous à côté, on n’est pas protégés. On utilise des produits chimiques qui sont souvent très dangereux. Ils peuvent être CMR, c’est-à-dire, cancérigènes.

 Un jour, j’arrive à mon dépôt pour chercher du matériel, notamment des produits et mon responsable était à vider le local en me disant que ce produit-là, on ne l’aurait plus, alors que c’est le produit qu’on utilisait depuis environ 15 ans pour nettoyer les inox dans les cuisines, parce qu’il était CMR. Du coup, ça faisait 15 ans qu’on utilisait un produit qui était mauvais pour nous, en fait. Je pense que tous les gens qui habitent dans l’agglomération nazairienne ont forcément un proche ou des proches qui ont eu un cancer ou qui auront un cancer.

Marie, employée intérimaire aux Chantiers de l’Atlantique

Quand on voit par qui est construit ce navire, dans les conditions dans lesquelles on construit ces navires, encore aujourd’hui, et à quel coup, on voit bien que c’est tout le côté pervers de la navale.
André Fadda, ex-délégué CGT aux Chantiers de l’Atlantique

On se rend compte que la naïveté n’est plus possible, en fait. On ne peut pas continuer d’espérer à chaque fois, on ne peut pas faire confiance à l’entreprise. Et on voit les limites de l’État. Et quelque part, justement, j’aurais dit, là, c’est à l’État d’agir, en fait. Il n’y a pas de doute qu’au niveau local, la préfecture a fait de très nombreuses mises en demeure. 
L’entreprise a été mise face à ses responsabilités plein de fois.

Donc là, on ne peut rien attendre, ni de l’entreprise ni du niveau local. C’est vraiment pour ça que nous, on a adressé notre pétition, certes, à la préfecture, mais aussi au Ministère de l’Industrie et de l’Environnement. À l’échelle nationale, c’est là que ça joue !

Mathilde et Mélanie, habitantes de Saint-Nazaire

La lutte s’annonce encore longue pour amener les entreprises et les pouvoirs publics à empêcher ces accidents et reconnaître les expositions. Pour suivre le combat des associations et en savoir plus sur ces pollutions, vous pourrez retrouver l’enquête en cas de volet sur les sites de Splann et de Blast.