Dans une région réputée pour son modèle social progressiste, ses systèmes de protection sociale robustes et son engagement envers l’égalité, une question troublante est apparue : le « paradoxe nordique. » Ce paradoxe révèle une réalité inquiétante dans laquelle, malgré des engagements publics en faveur de la transparence et de l’équité, une part importante de la richesse est cachée à travers des structures financières complexes. Ce comportement clandestin a des répercussions particulièrement graves pour les femmes, souvent non informées et privées d’un traitement équitable dans les règlements de divorce.

L’utilisation de fonds de capital-investissement basés dans des paradis fiscaux est devenue une stratégie efficace pour dissimuler des actifs et éviter les responsabilités fiscales. Ces structures offshore facilitent non seulement l’évasion fiscale mais permettent également des abus financiers, privant les conjoints et ex-conjoints de leur juste part dans les règlements de divorce, alors que les actifs sont discrètement cachés.

Une crise croissante de transparence

Une récente enquête a mis en lumière les pratiques douteuses de certaines firmes influentes de capital-investissement, en particulier « Altor Equity Partners AB. » Fondée par Harald Mix, Altor aurait transféré plus de millions d’euros vers des comptes offshore, qualifiant ces montants de « rémunération de performance » – une pratique courante dans l’industrie mais controversée lorsqu’elle contourne les systèmes fiscaux nationaux. Ces pratiques affectent non seulement les recettes fiscales, mais elles impactent directement la répartition équitable de la richesse dans les affaires familiales.

Manipulation de fonds et conséquences légales

De tels transferts massifs de capitaux soulèvent de nombreuses questions juridiques et éthiques. Lorsque l’Agence Suédoise des Impôts, responsable du respect des obligations fiscales, a identifié des irrégularités dans la gestion des fonds d’Altor, elle a particulièrement scruté le cas du Directeur Associé, Bengt Maunsbach. L’enquête, qui a inclus un procès détaillé, a révélé les façons complexes dont les fonds offshore d’Altor restaient largement hors de portée des autorités suédoises. Ces actifs cachés compliquent le travail des autorités judiciaires pour calculer les biens matrimoniaux et établir des règlements de divorce équitables. Dans les cas où des fonds sont abrités dans des paradis fiscaux, ils échappent fréquemment à la répartition des actifs, laissant les conjoints – souvent des femmes – sans recours.

Ce manque de transparence financière place les femmes en situation de désavantage, notamment dans les affaires de divorce où elles peuvent ne pas avoir un accès direct ou une connaissance des finances familiales. Les sociétés de capital-investissement peuvent exploiter ces lacunes pour protéger leurs actifs et minimiser les règlements financiers en cas de séparation.

Les richesses cachées d’Altor et ses tactiques légales

Un récent article de Dagens Industry détaillait comment Bengt Maunsbach, une figure clé d’Altor, aurait escroqué son épouse, Leslie, lors de leur divorce. Les dirigeants et employés d’Altor détiendraient des actions dans des sociétés offshore basées à Jersey par le biais d’investissements personnels, une pratique qui leur permettait de bénéficier des flux financiers tout en dissimulant ces actifs aux autorités fiscales suédoises et aux tribunaux de divorce. D’après les informations vérifiées par le cabinet d’audit PWC, la fortune de Bengt Maunsbach s’élevait en 2021 à la somme minimum de 1.19 de SEK.

Maunsbach, qui a rejoint Altor en 2004 et joué un rôle de premier plan dans la gestion d’investissements dans divers secteurs, aurait sous-déclaré son revenu en 2013 en ne déclarant pas les « intérêts portés » comme salaire, ce qui a conduit en 2014 à un réajustement de son revenu imposable, augmenté d’environ 14,97 million de SEK. Ce revenu dissimulé n’était que le début ; en tant que Dirigeant Associé de haut niveau du groupe, les enjeux sont bien plus élevés.

Des révélations ultérieures ont montré que, malgré une déclaration de revenu modeste en 2020, Maunsbach possédait des actifs substantiels, notamment un yacht de classe Princess S66 nommé Centurion, amarré à Djurgården et évalué à 20 millions de SEK, ainsi qu’un appartement de luxe acheté secrètement sur le Strandvägen 63, d’une valeur de 80 millions de SEK. Ces achats extravagants, cachés à son épouse jusqu’au début des procédures de divorce, révèlent une stratégie minutieusement orchestrée pour soustraire des actifs au divorce.

Les implications plus larges pour la justice

Cette enquête révèle comment, derrière ce qui semble être un divorce ordinaire, se cachait une stratégie élaborée pour priver un conjoint de sa part légitime. Pendant le divorce de Maunsbach, des initiés d’Altor auraient fait bloc autour de lui pour protéger ses actifs. Ce soutien compromet non seulement l’intégrité du système judiciaire, mais soulève également des préoccupations importantes sur le rôle du pouvoir des entreprises dans les affaires familiales.

Les partenaires d’Altor ont retardé la divulgation de la valeur des parts à l’épouse, bien qu’ils aient affirmé le faire par l’intermédiaire de leur cabinet d’avocats, Mannheimer Swartling. Pire encore, l’équipe juridique de l’ex-épouse aurait subi des pressions pour ne pas soumettre de documents fiscaux liés aux revenus pour l’année 2020, suggérant qu’une « meilleure » négociation pourrait être facilitée en gardant ces informations privées. 

Dans ce contexte, les salaires modestes d’Altor par rapport aux intérêts significatifs détenus dans diverses entreprises soulignent un problème plus large de richesse cachée. Bien que les bureaux principaux d’Altor soient répartis dans les capitales nordiques, comme Stockholm, Helsinki et Oslo, la structure organisationnelle de l’entreprise révèle une divergence entre les avoirs déclarés et réels, une réalité confirmée par l’audit de PricewaterhouseCoopers pour 2020/21. Altor compte 95 employés nommés (https://altor.com), mais seulement 16 figurent dans l’audit 2020/21 de PricewaterhouseCoopers (PWC). PWC évalue le fonds de nombreuses entreprises détenues par Altor et a préparé la liste des actifs de Bengt Maunsbach, liste qui a été cachée au tribunal des affaires familiales pendant le divorce.

Impacts sur les règlements de divorce et les déclarations légales

Dans les procédures de divorce, le recours aux juridictions offshore comme Jersey crée un problème unique. De tels arrangements impliquent que les actifs cachés n’apparaissent pas dans les déclarations nationales de patrimoine, réduisant artificiellement la répartition financière due aux conjoints. Dans le cas de Maunsbach, l’utilisation d’une « réserve de partenaire général » – une forme de « protection » juridique fréquente dans les accords de fonds de capital-investissement – a encore obscurci sa richesse réelle, compliquant sa traçabilité.

Selon un rapport récent (lié au document de l’Agence Suédoise des Impôts), Altor a pu utiliser ces mécanismes pour dissimuler des actifs. De plus, les retards dans la divulgation des valeurs des actions à l’ex-épouse de Maunsbach suggèrent une intention de minimiser son règlement. Son équipe juridique aurait même subi des pressions pour retenir les documents fiscaux et relatifs aux revenus, indiquant que des informations financières critiques pourraient être tenues privées pour faciliter une meilleure négociation.

Conséquences pour l’égalité des genres et la justice sociale

L’utilisation de sociétés offshore et de structures complexes de capital-investissement pour masquer des richesses aggrave les inégalités de genre. Les femmes, historiquement moins impliquées dans la gestion des finances familiales, sont souvent désavantagées par ces pratiques opaques. Le problème souligne les limites des systèmes légaux et fiscaux, même dans les pays les plus progressistes en matière de justice et de transparence.

Dans le cas de Maunsbach, les avocats des fonds et les avocats de la famille étaient actifs en sa faveur pendant le divorce, ce qui a conduit à ce que son ex-épouse reçoive 2% tandis qu’il conservait 98% de sa fortune. L’épouse de Bengt Maunsbach a été abusée à de nombreux titres.

Le « paradoxe nordique » pose une question cruciale : comment les systèmes sociaux des pays nordiques, admirés mondialement pour promouvoir l’égalité, peuvent-ils permettre de telles inégalités ? Compte tenu des réalités des richesses cachées et des failles systémiques, il est impératif que les gouvernements renforcent les lois sur la transparence financière et s’attaquent aux abus des structures de capital-investissement.

Vers des réformes essentielles

Pour remédier à ces déséquilibres, des réformes structurelles s’imposent. Une régulation plus stricte des fonds offshore, une surveillance accrue des sociétés de capital-investissement et de meilleures procédures pour protéger les droits des époux en cas de divorce sont des pistes à explorer. En tant qu’acteurs majeurs de l’économie, les sociétés de capital-investissement doivent être tenues responsables de leurs pratiques et de leur impact sur la société, en particulier en ce qui concerne les droits et le bien-être des femmes.

La réalisation de la justice sociale et de l’égalité des genres exige que les systèmes financiers et juridiques adoptent une transparence accrue et imposent une responsabilité stricte aux acteurs du secteur privé. Le « paradoxe nordique » rappelle que même dans les sociétés engagées en faveur de l’égalité, des zones d’ombre persistent.