La fermeture de l’usine Yara à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) aurait pu marquer la fin d’un chapitre sombre pour les riverains et les défenseurs de l’environnement. Mais derrière les grilles désormais closes, un héritage toxique persiste : le stockage de produits chimiques hautement inflammables, voisinant d’autres installations industrielles à risque, continue de faire planer une menace sur la région.


Une usine qui tourne la page, mais laisse les risques ouverts

En novembre 2024, la colère grondait devant la sous-préfecture de Saint-Nazaire. Quelques dizaines de manifestants, riverains et associations écologistes, dénonçaient l’attitude d’une multinationale jugée irresponsable. Thierry Noguet, maire de Montoir-de-Bretagne, ne mâche pas ses mots : « Yara est une entreprise qui méprise les règles environnementales depuis des années. Aujourd’hui, elle ferme son usine sans résoudre les problèmes qu’elle a créés. »

Les mises en demeure de l’État depuis 2011, pointant des pollutions de l’eau et de l’air, n’ont pas suffi à imposer une mise aux normes. La solution de l’entreprise ? Fermer la production et transformer le site en plateforme logistique d’importation d’engrais. « Mais le problème n’est pas résolu pour autant », alerte Manon Castagné, porte-parole de l’association Les Amis de la Terre. « Les produits chimiques dangereux restent sur place, dans des quantités significatives, et côtoient d’autres sites industriels manipulant des matières inflammables. Le risque d’explosion est bien réel. »

Un entrepôt à haut risque au cœur d’un bassin industriel sensible

Yara, numéro un mondial de l’engrais, a choisi de rediriger ses investissements vers les États-Unis, séduite par les aides publiques américaines et un coût énergétique plus compétitif. Mais en laissant sur place ses infrastructures de stockage, l’entreprise maintient une épée de Damoclès au-dessus de la région.

À Montoir-de-Bretagne, l’usine Yara n’est pas isolée. Elle partage son environnement immédiat avec d’autres installations traitant des produits chimiques ou des matières hautement inflammables. Ce voisinage fait de la zone un véritable cocktail explosif. « Si un accident survenait ici, ce serait une catastrophe industrielle d’ampleur », prévient un expert local en gestion des risques, préférant garder l’anonymat.

Les riverains, conscients de ce danger latent, redoutent le pire. « On nous dit que la production est arrêtée, mais ce qui est stocké ici est tout aussi inquiétant », déclare une habitante, membre d’une association locale. « Qui garantit la sécurité de ces installations à l’avenir, avec une présence humaine réduite sur le site ? »

Des conséquences multiples : écologiques, sociales et stratégiques

Cette fermeture ne se limite pas à une problématique environnementale. Elle s’accompagne de la suppression de 130 emplois sur les 170 que comptait l’usine. Pour Philippe Nicolas, délégué CGT, le sentiment est amer : « On sacrifie des emplois et on perd une partie de notre souveraineté agricole. Maintenant, on va importer encore plus d’engrais, notamment de Russie, alors même qu’on appelle à réindustrialiser. »

En toile de fond, l’impact écologique reste une préoccupation majeure. Avec le maintien des stocks sur place, la pollution des eaux et de l’air, déjà dénoncée depuis des années, risque de perdurer. « L’arrêt de la production n’efface pas les dégâts. Pire encore, le danger persiste pour les générations futures », ajoute Manon Castagné.

Une question de responsabilité et de sécurité

La fermeture de Yara à Montoir-de-Bretagne soulève des questions qui dépassent les frontières de la commune : quelle gestion pour les sites industriels désaffectés ? Qui doit assumer la responsabilité des risques liés au stockage de matières dangereuses ?

En Loire-Atlantique, les habitants et les associations attendent des réponses. Pour l’heure, l’héritage toxique laissé par Yara reste un défi non résolu, un spectre silencieux dans un paysage industriel déjà sous tension.

Marie-Aline Le Cler – Présidente de l’ADZRP, l’Association Dongeoise des Zones à Risques et du PPRT (pour plan de prévention des risques technologiques) – n’a jamais souhaité la fermeture de l’usine Yara à Montoir-de Bretagne. Elle réclamait juste sa mise en conformité. Au micro de Nordic-Paradox, elle ne s’est pas cachée de sa déception et de sa peur du pire, qui plane plus que jamais au-dessus de la tête des habitants locaux, malgré l’interruption de la production.

« On a eu l’occasion d’échanger avec des cordistes, des experts en structures industrielles. Ils sont intervenus là-bas sur des échafaudages pendant plusieurs mois d’affilé et une fois leur mission achevée, leurs outils étaient considérablement impactés par la pollution, entièrement corrodés par des produits chimiques », me souligne Marie-Aline Le Cler.

Si la société Planctonid avait tout mis en place pour contribuer à dépolluer les eaux usées de Yara en investissant lourdement dans une solution écologique et efficace à base de microalgues, elle n’a pas été la seule à essuyer les plâtres pour tenter de résoudre les problèmes de décontaminations des eaux de cette entreprise norvégienne. AlgoSource, œuvrant dans le même secteur, a elle aussi été obligée de baisser les bras face aux comportements de Nicolas Broutin et de sa firme.

« On sait bien que Nicolas Broutin est doué d’une grande habileté pour se placer auprès des politiques et autres personnalités influentes. C’est très pratique pour passer sous silence les côtés obscurs de Yara », ajoute Marie-Aline. Le problème, c’est quand les entreprises ne respectent pas les réglementations et font fi du voisinage. 

« Allez mettre une fabrique d’hydrogène aux portes de Yara, alors qu’il n’y a que la route à traverser, c’est totalement irresponsable » s’insurge la Présidente d’ADZRP. Quand on voit les dégâts causés par l’usine AZF, avec « seulement 300 tonnes de nitrate d’ammonium », on peut imaginer, demain, la catastrophe potentielle provenant de Yara avec leur autorisation de stockage accordée jusqu’à 112.000 tonnes. 

Par ailleurs, juste à côté de Yara, on a également un terminal méthanier et la raffinerie Total à proximité. « Avec les projets hydrogènes qui se profilent, bien que déterminants dans la stratégie énergétique mondiale, la sécurité de la population ne doit pas passer à la trappe et des territoires entiers ne doivent pas être sacrifiés, comme c’est déjà le cas ici », insiste Marie-Aline. 

Nous avons déjà atteint une surmortalité de 42% chez les hommes de moins de 65 ans par des causes de cancers. Une étude épidémiologique, pourtant sollicitée depuis des années, n’a toujours pas été lancée. La crise immobilière de la région pousse malgré tous les jeunes couples travaillant par ici à s’installer sur cette zone à risque qui reste bien moins chère qu’ailleurs, c’est dramatique, ajoute-t-elle totalement dépitée…